Sadhus : À la recherche de l’absolu

Presque anachroniques dans un pays lancé à toute vapeur vers les mirages de la croissance économique, les sadhus font partie du paysage de l’Inde. Ils font office de guides spirituels dans les villages, cheminent seuls ou en petits groupes sur les routes de pèlerinage, établissent leurs quartiers provisoires à proximité des temples et des lieux saints de l’Hindouisme. Certains vivent loin du regard de la multitude dans des ermitages et ne sortent de leur retraite qu’à l’occasion des grandes fêtes religieuses comme la Kumbh Mela, qui attire une fois tous les trois ans des foules gigantesques à la démesure de l’Inde.

Ils seraient aujourd’hui entre quatre et cinq millions à avoir coupé tout lien avec leur famille, n’ayant pour seul bien qu’ un chapelet, un bâton, un pot à eau ou un bol à aumônes. Les sadhus, dont le nom sanscrit signifie “saint”, ont fait vœu de renoncer au monde pour rompre le cycle des renaissances et atteindre l’absolu, la dissolution en Dieu, la fusion dans le cosmos. Présents en Inde depuis la nuit des temps, ils ont développé et expérimenté toutes les disciplines possibles et imaginables pour parvenir à ce but ultime, du contrôle du souffle et de la récitation de mantras aux plus extrêmes austérités. La plupart d’entre eux s’en tiennent à la stricte pratique du du yoga et sont responsables de leurs actes devant un Mahant, un chef spirituel, qui peut contrôler jusqu’à plusieurs centaines de disciples.  Mais ce sont les mortifications, que s’infligent à eux mêmes quelques ascètes isolés, rencontrés au hasard, qui frappent le plus l’imagination. Beaucoup font vœu de rester debout et vivent jour et nuit accoudés à une balançoire. D’autres méditent, immobiles, aux heures les plus chaudes, au centre d’un cercle de bouses incandescentes. Certains encore gardent les bras levés au-dessus de la tête jusqu’à ce que leurs membres s’atrophient. Ils cherchent ainsi à parvenir à une parfaite maîtrise de soi, à acquérir des pouvoirs surhumains qui leur permettront d’atteindre la béatitude suprême.